A fleur de peau

On m'a trouvé, sur un bord d'étang, baignant mes jolis pieds dans l'eau fraîche du matin. Ça sentait bon l'air printanier. J'observais mes camarades roseaux qui servaient à faire la partie de cache-cache du jour. Les jeunes grenouilles sautaient de nénuphars en nénuphars pour échapper les unes aux autres et cette routine était rassurante. Une sûreté à laquelle se raccrocher quand on est perdu, une sécurité.

Mais il faut toujours quelque chose pour la briser. Un imprévu, un oubli ou l'incrustation volontaire de quelqu'un ou de quelque chose dedans, pour qu'elle éclate en mille morceaux. 

Pour moi, ça avait été ce gars qui était venu, là, au bord de l'étang, pour m'arracher à mon sol adoré. Il m'avait mise dans un pot avec du terreau sans aucunes ressources, alors je faisais la tête, abaissant mes pétales pour qu'il me trouve laide et me laisse tranquille. Mais au lieu de ça, il me donna de l'eau si pure et revigorante, qu'elle fit aussitôt remonter mes feuilles et mes pétales contre mon gré. Mince alors, je n'ai pas su cacher ce si bon sentiment et cela en est vexant.

Mais lui, il semblait content que j'aie meilleure mine. Il se posta en face de moi puis se mit à faire de grands gestes sur une surface pâle devant lui. Que faisait-il ? Était-il en train de me fabriquer une sœur ? Non, je ne suis pas née ici, donc je ne peux pas avoir une sœur qui ne vient pas du même endroit que moi. 

Quand il eu finit de gesticuler, il me sortit de la pièce toute blanche. 

Quand il m'y remit, des centaines de moi étaient apparus sur les murs, anciennement vides. 

Me voir, littéralement, en peinture sur ces murs avait été, je l'avoue, très glorifiant. Après, il me posa par terre, puis prit une image avec sa boîte qui capture les moments, histoire de s'en souvenir lorsque je fanerais. 

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Et oui, je suis, comme tout ce qui peuple cette Terre, éphémère. Mais un moment capturé ne peut plus disparaître de ton esprit. Même si tu ne veux plus de lui, lui veut de toi donc il te hantera.