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  • Photo du rédacteur: Anna gnfl
    Anna gnfl
  • 29 oct. 2021
  • 6 min de lecture

En cette journée ensoleillée de juillet, Nicolas se baladait dans les bois avec Nino, son grand père, pour faire passer le long après midi de chaleur écrasante qui les attendait. L'air était plus léger, entre les arbres et le soleil laissait certains de ses rayons slalomer entre les feuilles, puis s'écraser sur le sol terreux. C'était presque féerique, la façon dont les particules volaient au gré du vent et cela fit sourire Nicolas.


Les minutes s'écoulaient comme plus lentement, laissant apprécier le spectacle aux deux générations présentes dont les pas foulaient le sol côte à côte. Nicolas eu envie de s'éloigner un peu, aller en avant toujours plus pressé de découvrir plus. Il regardait le sol avec attention, comme s'il y cherchait quelque chose de précis, comme si quelque chose devait attirer son œil. Ce fut le cas quand le reflet du soleil sur une boucle métallique atterrit directement dans sa pupille, lui faisant brusquement fermer les yeux.


Il se baissa pour essayer de mieux apercevoir ce qui l'avait ébloui et tira dessus. Pas grand chose ne se passait, la chose était bien enfouie dans le sol alors Nicolas se décida à creuser autour. Il posa ses genoux au sol, ne pensant même pas au moment où maman le gronderait d'avoir salit ce beau pantalon de toile, et creusa de ses mains juvéniles la terre millénaire. Il lui fallut un peu de temps, avant de pouvoir enfin extraire l'objet qui avait attiré son attention et une fois ceci fait, il le brandit à bout de bras pour l'observer sous de plus amples coutures. C'était un casque appartenant probablement à un soldat de la guerre 14, bleu tout rouillé, dont la boucle argentée qui avait dépassé de la terre était ce qui avait attiré son attention à l'origine. Il l'inspecta sous tous les angles en se relevant et se tourna pour faire face à Nino, le vieil homme s'interrogeant du pourquoi son petit fils s'était abaissé à terre.


-Papy, papy! s'écria Nicolas. Regarde ce que j'ai déterré du sol !

Il tendit le casque à son grand père pour qu'il l'examine de lui même.

-Il doit être à quelqu'un de la guerre 14, non ?

-Oui c'est ce que je me suis dit. Il ressemble à ceux que l'on avait en illustration dans le manuel d'école sur la guerre.


Nino continuait d'observer et de faire tourner en silence le casque entre ses mains, jusqu'à ce que le coin d'une photo ne lui irrite le pouce. Il tira dessus, libérant l'image coincée entre deux matériaux du casque métallique.


-Oh, c'est quoi? questionna Nicolas. Une photo, elle est jolie!


Nino lui tendis l'image aux couleurs délavées sur laquelle était visible un beau jeune homme brun embrassant la joue d'une jeune femme aux cheveux clairs, toute souriante aux yeux en forme de demies lunes derrière ses fines lunettes.

Nicolas émit un sourire sincère à la vue des deux amants qui se pensaient inséparables, tout en imaginant leur histoire.


Le jeune homme se serait appelé Léon, il aurait été ce jeune homme toujours bien habillé, discret, ne parlant pas beaucoup aux autres mais dont l'aura aurait été presque princière. Il aurait vécu sa scolarité comme élève modèle toujours au premier rang, toujours prêt à gober les connaissances que l'on lui transmettait. Sa famille aurait été la famille dont rêve quelqu'un à la famille détruite. Léon aurait été l'enfant ainé d'une famille unie sous le signe de l'amour parental et fraternel, la confiance et le respect mutuel, et dont les petites étreintes matinales se terminent en câlin général, chacun des sept s'étant rajouté un à un.


Léon aurait eu le rêve fou de devenir professeur de Français au lycée dans une grande ville et pour cela il y aurait travaillé dur tout au long de sa scolarité, aurait eu son diplôme de secondaire pour rentrer à la faculté de Lettres classiques dont il aurait tant rêver. Il y aurait étudié six mois avant de ne rencontrer, ou du moins se cogner au coins d'un couloir contre une grande blonde qui regarderait en l'air, la mine joyeuse. Ils se seraient tout deux excusés mille fois d'avoir chacun importuné l'autre, faisant éparpiller leurs feuilles au sol marbré. Ils auraient continué de s'observer les joues rouges de honte jusqu'à ce qu'il lui demande pardon et ne lui ramasse ses feuilles. Elle lui aurait ensuite sourit avant de le remercier et de tourner les talons vers sa prochaine classe. Ils auraient tous deux été chamboulés par cette rencontre et y auraient pensé chaque soir avant de dormir, se demandant si l'autre l'était tout autant.


Ils se seraient ensuite revus aux détours d'amphithéâtres, quelques jours plus tard sans qu'aucuns d'eux n'ouvre un dialogue. Pourtant, ç'aurait été bien elle qu'il aurait vu en levant les yeux de son calepin de cours, une ombre s'étant glissé dessus. Il aurait d'abord été surpris puis aurait apprécié la compagnie de cette jeune femme auparavant sans prénom, s'appelant désormais Marion.

Ils auraient passés des heures à apprendre à se connaitre, à rire des anecdotes passées de l'un ou de l'autre.


Alors, Marion aurait été cette jeune femme joyeuse et au sourire ravageur, au style vestimentaire et aux idées tout aussi modernes que renversantes, et à l'extraversion faisant rougir les timides. Elle aurait été ce petit soleil dans une journée pluvieuse, la bonne nouvelle dans une série de mauvaises. Elle aurait été cette rebelle qui disait gris quand on lui proposait noir ou bien blanc, cette fille qui aurait défié le mauvais garçon qui se serait attaqué à plus faible que lui dans la cour de récré, celle qui faisait toujours les mêmes exposés passionnants. Elle aurait été la cadette d'une fratrie de trois jeunes sans parents présents, la plus jeune, la chouchoutée par ses frères ainés qui auraient travaillé dur pour pouvoir habiter cette chambre de bonne au dernier étage de l'immeuble osmanien.

Marion aurait quant à elle eu le rêve de devenir la plus grande philosophe de son siècle, rien que ça. Non, elle aurait pas eu peur, Marion. Elle aurait eu de grandes ambitions et se serait jetée dedans à corps perdu, bravant les interdis qui se dresseraient sur son passage à coup d'uppercuts savants. Elle se serait alors lancée, après l'obtention ras les pâquerettes de son diplôme à causes des blâmes comportementaux, à la faculté de Philosophie, y aurait étudié six mois avant de croiser, de très proche, au détour d'un couloir, un grand brun bien habillé au sourire timide et au regard courant sur le sol.


Ils auraient tous deux continué leur année plus ou moins ensembles suivant l'horaire de la journée. A midi ils auraient mangé tous les deux dans le parc proche de l'université, à treize heure ils se seraient séparés le temps de l'après-midi de cours, avant de se retrouver le soir tombé.

Les mois se seraient écoulés, des mois durant lesquels ils auraient appris toujours plus à se connaître, à former un mignon petit couple, se seraient présentés à la famille de l'autre, seraient partis un été en voyage dans le sud du pays et auraient pris une photo d'eux deux, Léon embrassant Marion tout sourire sur la joue, une photo précieuse dont ils garderaient chacun un petit exemplaire dans leur portefeuilles. Ils auraient l'année d'après emménagés ensemble dans ce bel et grand appartement qu'ils auraient pris plaisir à décorer, à habiter jusqu'à la fin de leurs études et même après où Marion aurait pris plaisir à écrire ses livres et où Léon aurait corrigé ses copies avec passion. Ils auraient même adopté ce petit chat roux qui trainait dans les rues froides, l'auraient appelé Lardon, un nom qui les auraient fait rire à coup sûr. Ils auraient vécu tel quel, dans une bulle de joie et d'amour. La leur.


Jusqu'au jour où Marion aurait lu dans le journal que tous les hommes du pays sauf infirmes étaient réquisitionnés pour aller défendre leur patrie lors de la guerre qui se préparait à faire rage. Elle aurait alors prévenu son compagnon dès qu'il serait rentré et ils auraient alors longuement discuté du fait que Léon n'aurait pas le choix. Il aurait fait ses bagages, drôles de mots quand on part à la guerre, aurait-il pensé.


Marion aurait alors dit avec douleur un Au revoir qui aurait été suivit d'un "je t'aime" à son homme, pour ce qu'elle auraient pensé être une courte période puis serait retournée chez elle, pour la première fois depuis longtemps, triste.


Léon aurait été mis dans les rangs d'une infanterie, on lui aurait retiré ses effets personnels contre un uniforme de feutre et d'un casque bleu. La nuit qui aurait suivi, pendant que lui et ses camarades essayaient de dormir, Léon aurait glissé la petite photo entre les deux matériaux du casque, pour avoir la présence de sa bien aimée au plus près de ses pensées.

Les semaines suivantes, Léon aurait la journée combattu avec les faibles forces qu'il avait, et la nuit écrit des lettres, toutes pour sa bien aimée, qu'il donnerait au colporteur, espérant avoir une réponse dès que possible.


Il aurait eu une réponse, en ce glacial mardi d'hiver 1915. Mais il n'aurait pu y répondre, déjà mort d'asphyxie au gaz moutarde. Il n'aurait jamais pu lire les mots si aimants de sa Marion chérie. Son corps n'aurait même pas trouvé respect et refuge d'un cercueil en terre, d'une sépulture. Il aurait été simplement été laissé là tout habillé mais dépouillé dans la panique de son casque bleu qui avait roulé plus loin, au pied d'un arbre.


A la fin de la guerre, Marion aurait rêvé de voir son Léon descendre du train des survivants, elle aurait rêvé de le prendre dans ses bras, de l'embrasser et de l'aimer à nouveau. Mais la personne qu'elle aurait attendu ces quatre longues années, ne serait jamais descendue.


Et puis, soixante ans plus tard, en se baladant en forêt, quelqu'un aurait été ébloui par le reflet du soleil d'été sur la boucle métallique d'un casque bleu abritant une photo.



29 octobre 2021. inspiré par Océane et Nelson

 
 
 

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